Nous sommes obligés de le constater lors de cette rentrée, autant dans la Note d’Information du Conseil des Agréments et Contrôles n°1 de l’INAO que dans les deux notes de la CNAOC sur les cahiers des charges et les plans d’inspection/contrôle, les points positifs de la réforme sont menés à mal alors que les aspects les plus discutables en particulier ceux concernant un risque d’uniformisation, eux sont bien en route :
il faut bien admettre aujourd’hui que dans bien des cas les ODG sont des copiés-collés des syndicats de cru et on a vu s’évanouir, au nom du calendrier, dans de nombreuses appellations, la mise en place d’un vrai débat démocratique qui faisait partie de l’intérêt même de la réforme : au nom d’une représentativité majoritaire on a mis rapidement sous le boisseau les quelques lumières qui auraient pu nous parvenir des vignerons dits minoritaires ou marginaux et qui sont souvent le fer de lance sur le marché de leur appellation. Ils n’ont souvent même pas été conviés au débat !
Un point caricatural cette situation, c’est le retour en force de la dégustation et de l’examen organoleptique. Les documents publiés récemment laissent entrevoir le pire et remettent en question tous nos espoirs de voir enfin un changement dans la vie des appellations :
« La réforme ne modifie pas le principe selon lequel la dégustation est un élément fondamental du contrôle des produits, en particulier pour ce qui concerne les appellations d’origine. » INAO
Seve, à travers le colloque de Banyuls et grâce aux travaux des Professeurs MacLeod en neurobiologie et Marc Danzart en statistique, a montré et démontré les limites de l’analyse sensorielle dans son application concernant les agréments; les propositions de Gérard Boesch pour la réforme de l’agrément allaient dans le bon sens puisqu’elles partaient du principe que la dégustation ne peut être un élément fondamental dans la reconnaissance et la validation d’une démarche de qualité d’un opérateur : l’analyse de l’amont semblait enfin être un point déterminant dans « l’agrément » d’une exploitation . Cette déclaration de l’INAO concernant les travaux du CAC est une régression catastrophique pour tous ceux qui imaginaient que de réels progrès avaient été faits sur ce sujet et voient à nouveau le spectre de la standardisation et de l’uniformisation réapparaître par la dégustation !
Quant à la CNAOC :
« Les AOC ont aujourd’hui un cahier des charges : c’est leur décret d’appellation. Si la réforme est l’occasion de compléter ou d’actualiser les décrets, il faut cependant tenir compte du calendrier très serré de la réforme.
Ce qui signifie que l’ODG doit être pragmatique. Le plan de contrôle peut être défini dès à présent à partir des conditions de production existantes. Dans le délai d’un an qui lui est imparti, l’ODG pourra envisager des demandes de modifications mineures. Par contre, les modifications majeures feront appel à une procédure plus lourde et donc, nécessairement plus longue. »
Là encore, alors que la réforme était l’occasion d’un vrai débat au sein des appellations et permettait de tout mettre à plat, l’immobilisme est préconisé !
A Seve nous avons soutenu cette réforme parce qu’elle nous semblait contenir les ferments d’une renaissance ancrée sur l’exigence, elle était une possibilité offerte afin de se recentrer sur ce qui avait fait la philosophie de Joseph Capus : cette méritocratie nous continuons de penser qu’elle mérite d’être défendu parce qu’elle a permis à de nombreux vignerons, à travers les appellations qui font partie de notre patrimoine France, d’élaborer les meilleurs vins du monde!
Par contre remettre à demain la nécessaire relecture des décrets à travers l’élaboration des cahiers des charges, se contenter de l’examen organoleptique alors qu’objectivement et scientifiquement ses limites et ses insuffisances ont été démontré, cette médiocratie qui nous est proposée, nous n’en voulons pas parce qu’elle est profondément injuste pour les vignerons qui travaille à l’élaboration d’une viticulture de terroir.
La réforme mise en place aujourd’hui ne concerne en fait que ce qui devrait être le segment IGP des vins français, les vins de région, de pays, de volume, et encore avec des erreurs fondamentales quant à la place de la dégustation.
Si rien n’est mis en place rapidement de façon volontaire pour définir et imposer un cahier des charges définissant les exigences des vins de terroir, les AOP, la réforme en cours va écraser ceux-ci et les contraindre d’une façon ou d’une autre à trouver leurs propres moyens de définition et de communication, pour continuer à exister.
Nous vous proposons aujourd’hui deux documents de réflexion sur ce sujet (voir ci-dessous) afin d’alimenter le débat et en espérant que l’esprit de la réforme puisse être encore sauvegardé!
A Seve nous voulons travailler à une renaissance des appellations pas à leur enterrement
Marc Parcé, Banyuls le 22 août 2007
Voir les documents :
• « Hold Up aux AOC, proposition de bilan de la stratégie éthique de J. Capus. »
• « Libérons les goûts des vins »
Je suis un peu surpris par le manque d’ouverture de certaines réformes; il est possible, aussi, que je sois en plein décalage par rapport à une nécessité technique, économique ou sociale dans la filière Vin. Mais:
– 1 – Pour moi, qui vient de l’industrie (avec une carrière dans l’international) et possède un vignoble dans le Roussillon, il y a entre ces deux domaines un fossé technique, culturel et mental profond (alors qu’un ‘processus’ reste un ‘processus’ que l’on soit dans l’industrie, l’agriculture ou l’administration) et je crains que nos démarches actuelles et futures nous mènent à des blocages et dans des impasses.
– 2 – Trop de règles, procédures et contraintes telles que celles que je voies en ce moment, ne peuvent que tuer l’innovation. Imaginez que l’on fasse de même dans l’automobile ou dans l’informatique et les télécommunications! L’objectif est-il de se protéger (ce qui est illusoire à terme)ou de donner à une filière les moyens de s’adapter et d’évoluer ?
– 3 – Quand on analyse le système Toyota, et il y a pas mal de recyclage à faire pour certains, on observe que l’un des objectifs pour une meilleure compétitivité/réactivité (pour des raisons que je n’expliquerai pas ici) est de supprimer les opérations sans valeur ajoutée, c’est à dire les contrôles, les attentes, les lourdeurs de gestion, etc.
Il est peut-être important de s’appuyer sur ce qui se fait ailleurs (dans le monde et dans d’autres secteurs d’activité) pour se doter de structures plus agiles et compétitives, et se donner ainsi des moyens pour reprendre l’initiative.
etc. etc.
Mais, ce n’est qu’un point de vue personnel, qui sera rejeté par beaucoup. Désolé de vous avoir ennuyé.