Une soirée en Slovénie.

Le 8 mars 2005, mon ami Tomaz Srsen est venu me chercher a l’aéroport de Ljubljana, c’etait le début d’une soirée très gourmande. Tomaz etait le bassiste du plus grand groupe rock de Slovenie il y a 20 ans, aujourd’hui il est critique oeno-gastronomique mais le look est plutôt rockeur, il édite aussi un guide des 110 meilleures tables de son pays. 110 dans un pays de 2 millions d’habitants ? Je lui rappelle que c’est l’équivalent d’une guide des 3000 meilleures adresses en France… Ce soir on va essayer une des meilleures, la Gostilna pri Danilu à Škofja Loka, à quelques kilomètres de Ljubljana.

J’avais connu la famille Carman (Vesna et Dušan, et le fils Gašper) il y a deux ans, quand Tomaz et Wendy Fogarty de Slow Food UK avaient organisé un repas accompagné de vins Slovènes dans un grand hôtel de Londres. J’avais donc déjà goûté leur cuisine.

L’accueil est fantastique, on sort de la neige et on entre dans la chaleur de cette petite auberge/osteria qui sert une cuisine sincère, ancrée dans la tradition mais en même temps innovatrice, où Gašper s’occupe de l’accord de chaque plat avec un vin différent. N’oublions pas qu’il s’agit d’une auberge… pourtant je connais peu de restaurants avec macaron qui ont cette ambition…

Le niveau des vins Slovènes est impressionnant, dans ces terroirs frais aux pieds des Alpes on trouve des vins profonds complexes, frais et très, comment dire, naturels, sans artifices. Les blancs surtout bénéficient d’une grande richesse de cépages autochtones, les vins sont similaires aux vins du Friuli (seule région Italienne à proposer des blancs dignes d’attention) mais sans les excès de bois et d’oenologie typiques de l’Italie d’aujourd’hui. Les collaborations avec les “révolutionnaires” frioulans sont évidentes, on retrouve dans ces vins la philosophie des italiens Stanko Radikon et Josko Gravner (ou est-ce plutôt les Slovènes qui influencent le Friuli?).

Dans ce pays de beauté fraîchement sorti de la Yugoslavie et déjà aligné parfaitement avec notre train de vie “occidental”, l’hymne national est une chanson traditionnelle des buveurs de vin. Impossible maintenant de ne pas le compter parmi les pays producteurs de grands vins.

Pour l’apéritif un Bjana méthode classique, pinot noir je crois, issu de 3 ha de vignes à faible rendements dans les climats frais de Brda, acidité superbe et bulles fines discrètes lui donnent une certaine élégance.

Pour accompagner une assiette de fines tranches de langue de boeuf sur un lit de choux, une Rebula 2003 de Valter Sirk, aussi dans l’appellation Goriška Brda. La Rebula s’appelle Ribolla de l’autre côté de la frontière, c’est un cépage qui produit des vins d’un fruité très présent, et assez concentré pour tenir avec le gout aigre-doux de cette délicate choucroute.

La discussion tourne autour des cépages, et notamment sur la situation du nom du cépage Tokaj (Tocai en Friuli), la loi prévoit d’éliminer ce nom de cépage en Italie et en Alsace avant 2007, afin de protéger le vin Hongrois « Tokaji ». J’avais entendu que le nouveau nom sera « Friulano », mais Gašper nous montre la solution assez marrante de Radikon, qui a produit son 2002 avec le nom Jacot (Tokaj à l’envers). Le prochain vin est un Tokaj 2002 de l’excellent Edi Simčič. J’avais connu Alex Simčič à Londres, ce soir là il s’était présenté à la salle en expliquant qu’un vignerons doit limiter son rôle à celui d’accompagner la nature, à veiller que tout se passe bien dans la culture et dans la vinification,, parce que si l’on travaille bien sur un bon terroir, c’est dommage d’intervenir pour essayer de laisser une empreinte lourde sur le vin. Son vin est la preuve de ce bon principe, le Tokaj est intense, avec une belle senteur évidente de roses et litchi, il est superbement équilibré, enveloppant, d’une grande finesse. Il accompagne à merveille une soupe d’orge servie dans une écuelle faite de pain, on mange tout, la soupe est aromatisée avec plein de bonnes senteurs, un soupçon de clou de girofle, de lard fumé, de carottes. La maison fait son propre pain, en trois variantes, toutes superbes, y compris un pain traditionnel fait de farine et pommes de terre, on le produisait une fois par semaine et il restait moelleux jusqu’à la semaine suivante.

Je commençais à penser à l’autre vigneron Slovène qui me passionne, Valter Mlečnik, et voilà qu’arrive une de ses Rebula 2001 pour accompagner la truite servie sur un lit de blettes. Ici c’est le paradis des vins blancs. Epicé et fruité, il cède le passage au goût délicat de la truite parfaitement poêlée, et j’ai l’impression de retrouver les arômes du tokaj dans les blettes douces. Et penser que tous ces blancs sont en dessous des 14€… Tomaz me rappelle que les zones vinicoles sont à une heure de voiture de Venise : ça y est, c’est décidé, je reviens dans deux semaines pour remplir le coffre…

On change de couleur, un Duet rouge de Edi Simčič d’inspiration bordelaise (Cabernet Merlot) se marie à merveille avec deux médaillons de filet de bœuf poêlés accompagnés d’une purée de poireaux et pommes de terre et d’une tranche de štruklji, un rouleau de pâte fine et fromage de chèvre traditionnel. Le Duet est finement boisé, très élégant, parfumé, il coute 18€ et il est meilleur que la plupart des super-tuscans qui sont 10 fois plus chers, il reste aérien, aucune lourdeur et aucun excès de bois, un délice.

Les desserts, un trio composé d’une tranche de gateau au chocolat épicé avec une épice mystérieuse que Vesna me décrit comme de la forme d’une banane mais très fine et qui pousse sur un arbre… puis un parfait à la noix, et un štruklji doux (un cousin du strudel ?). Les desserts sont accompagnés par un moelleux, un vin de paille issu de Malvazija, le Kras 1998 de Renčel.

Je conclue de mes premières six heures en Slovénie que je suis dans un pays qui a du goût et un sens très évolué de l’hospitalité. Merci Tomaz, Vesna, Dušan et Gašper.

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About Mike Tommasi

~~~EN I live in Provence, around Bandol AOC, on the shores of the Mediterranean. My profession, which has nothing to do with wine or food, allows me to travel a lot, plus I am a volunteer organizer of Slow Food, so I organize food and wine events and I am lucky to have plenty of occasions to sample all the wonderful terroirs of the world. I created this blog as a community outlet for stories and information about wine and food, with a lot of help from my friends. ~~~FR Je vis sur le littoral de Provence, atour de l'AOC Bandol. Ma profession, qui n'a rien àvoir avec le vin ou l'alimentation, m'oblige à voyager loin et souvent ; en plus, en tant que bénévole de l'association Slow Food. Ainsi, j'organise pas mal d'événements oeno-culinaires, et j'ai la fortune d'avoir pas mal d'occasions pour découvrir toutes les bonnes choses issues des terroirs du monde entier. J'ai créé ce blog comme véhicule pour un groupe d'amis collaborateurs qui aiment raconter des histoires sur le vin et le bon manger. ~~~IT Abito in Provenza mediterranea, vicino alla AOC Bandol. La mia professione, che non ha nulla a che vedere con il vino o il mangiare, mi permette di viaggiare spesso e dappertutto, e in più sono un organizzatore dell'associazione Slow Food, quindi organizzo eventi eno-gastronomici e ho molte occasioni per scoprire gli eccellenti prodotti dei numerosi terroir del mondo. Ho creato questo blog come veicolo per una comunità di amici che amano scrivere sul vino e sul buon mangiare.

1 thought on “Une soirée en Slovénie.

  1. bboutteau

    110 pour 2 millions d’habitants pour la Slovénie alors que la France en a 3000 pour 65 millions d’habitant, cela fait en réalité 55 par million en Slovénie et 46 par millions pour la France; son livre était donc très riche en référence.
    Meilleures salutations

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